En tant qu’expertes fortement impliquées dans la préparation face aux flambées épidémiques, nous pensions avoir une vision claire de la manière d’y répondre efficacement. Après tout, soutenir les équipes et former d’autres personnes à gérer les flambées de maladies animales fait partie de notre quotidien. Mais faire jouer les gens au jeu Alerte était une toute autre histoire. Nous en sommes sorties avec de nouvelles perspectives qui ont changé notre façon de penser la préparation aux épidémies dans notre travail de tous les jours.
Le jeu Alerte est conçu pour simuler la chaîne de surveillance qui se met en place lors d’une flambée de maladie animale : des premiers signes d’alerte, en passant par la communication et la coordination, jusqu’à la maîtrise de la situation. Vous jonglez avec des informations incomplètes, des événements imprévisibles et la nécessité d’équilibrer les ressources avec une action rapide. C’est à la fois une stratégie, un test de résistance et une vérification de la réalité. Faire jouer les participants, et y jouer nous-mêmes, nous a apporté de nouvelles perspectives sur la préparation aux épidémies — certaines inattendues.
Voici ce que nous avons appris (ou réappris) :
1. La désinformation peut se propager plus vite qu’une maladie
Dans le jeu : Le jeu Alerte met les joueurs au défi de placer les maillons de la chaîne de surveillance (sous forme de cartes) dans le bon ordre. Cela paraît simple ? Pas tant que ça. Nous avons vite réalisé que certaines cartes, comme celles des « médias », sont parmi les plus difficiles à positionner. Dans le jeu, elles représentent la manière dont les journalistes ou les médias rapportent une flambée, parfois trop tôt, parfois trop tard, et souvent de façon imprévisible. Par exemple : lorsqu’un média local rapporte une nouvelle flambée, les joueurs doivent décider : à quel moment cela devrait-il arriver ? Qu’est-ce qui pousse les médias à donner la priorité à l’information ? Et où cela s’insère-t-il dans la séquence des événements ? Jouer les cartes « médias » a souvent pour effet de brouiller ces repères, les rendant difficiles à placer et pouvant permettre à la maladie de se propager plus rapidement.
Enseignement : Les médias peuvent intervenir dans la chaîne de surveillance à presque n’importe quelle étape. Leur implication est imprévisible, mais très influente.
Lien avec la réalité : Dans la vraie vie, les médias et les canaux de communication peuvent remettre en question à la fois les politiques publiques et les recommandations scientifiques. Lors d’une flambée zoonotique, les intégrer dans la planification stratégique est essentiel, non seulement pour maximiser leur potentiel positif, mais aussi pour éviter qu’ils n’amplifient la désinformation et ne causent des dommages.

2. Les bonnes nouvelles circulent lentement
Dans le jeu : Pour donner une idée, il y a 18 cartes de dangers négatifs et seulement 8 de positifs. Les dangers négatifs sont faciles à rencontrer et peuvent être très sévères : la maladie se propage rapidement, créant une atmosphère stressante ! Les dangers positifs, eux, sont plus difficiles à obtenir et nécessitent des décisions collectives. Parfois, leurs récompenses peuvent sembler modestes, mais elles restent des victoires !
Enseignement : Les dangers négatifs, avec leurs impacts importants, sont beaucoup plus fréquents que les positifs. Les résultats positifs, en revanche, prennent du temps et nécessitent des efforts collectifs.
Lien avec la réalité : Comme dans le jeu, les dangers négatifs (rumeurs, inondations, corruption) sont fréquents et peuvent rapidement éclipser les actions positives. Les actions positives, comme le partage d’informations, la transparence et la collaboration, sont essentielles à un système de surveillance solide, mais elles prennent souvent plus de temps à porter leurs fruits. Il est important de reconnaître les vrais défis et complications, mais aussi de se rappeler que le travail collectif, même long, peut mener à des résultats durables et significatifs.

Former les participants sur le fonctionnement du jeu.
3. Le travail d’équipe fait la force de la surveillance
Dans le jeu : Après avoir joué et formé d’innombrables participants, nous pouvons affirmer que le désaccord mène presque toujours à l’échec. À l’inverse, le consensus ouvre la voie au succès. Après tout, le but du jeu est de reconstituer la chaîne de surveillance en tenant compte des avis de chacun. Il est souvent amusant d’observer que lorsqu’une personne insiste pour décider seule, cela conduit presque inévitablement à une erreur et à une défaite collective.
Enseignement : Même si cela prend du temps, il est essentiel de convaincre tout le monde autour de la table et d’écouter chaque voix afin de prendre des décisions solides.
Lien avec la réalité : Que ce soit au niveau local, régional ou national, le travail d’équipe fait la force de la surveillance. Écouter toutes les voix et partager les informations (par exemple dans une approche Une seule sante ), où les professionnels de différents secteurs collaborent) permet de gérer les flambées plus rapidement et de manière plus globale. Ne pas écouter peut laisser des failles dangereuses dans la stratégie, voire la rendre obsolète.
Le jeu Alerte a été développé et diffusé pendant le projet EBO-SURSY et se poursuit dans le cadre du nouveau projet ZOOSURSY. À chaque nouvelle formation, le jeu crée un effet d’entraînement : les participants deviennent facilitateurs et les connaissances se transforment en actions. Alors que nous préparons la prochaine session en Sierra Leone en 2025, le voyage continue et son impact ne cesse de croître.
Main featured image: unsplash/anthony sebbo
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