Blog

Opinion

Sécurité sanitaire mondiale

Durée de lecture : 9min

Le risque de menaces biologiques intentionnelles liées aux maladies animales – et comment y faire face

biothreats_scientist verifying sample gotten from an animal

publié le

09/05/2025

écrit par

La Dre Debbie Eagles

La Dre Eagles est directrice du Australian Centre for Disease Preparedness (ACDP) de la CSIRO. Elle est vétérinaire, titulaire de diplômes de troisième cycle en santé publique vétérinaire, et inscrite en tant qu’experte qualifiée de l’OMSA et de l’Australie sur la liste du Mécanisme du Secrétaire général des Nations Unies (UNSGM) pour les enquêtes sur l’utilisation alléguée d’armes chimiques, biologiques ou à toxines. Debbie possède une vaste expérience de travail dans la région Asie-Pacifique, notamment dans des projets de renforcement des capacités des laboratoires, des enquêtes de terrain et la mise en place de formations.

Partager sur les médias sociaux

Les Services vétérinaires sont pleinement conscients de la menace que représentent les agents pathogènes émergents – qu’il s’agisse de maladies zoonotiques transmises des animaux aux humains, de la propagation mondiale ou de la réapparition de maladies connues chez le bétail, ou encore de la découverte de nouveaux agents pathogènes. 

Souvent, ces agents pathogènes émergent à la suite de changements naturels ou systémiques – tels que l’évolution constante du climat ou les interactions entre humains, faune sauvage et bétail. De plus, la circulation mondiale des personnes, des animaux et des produits biologiques contribue à modifier en permanence le paysage de la biosécurité. 

Mais à quelle fréquence considérons-nous que l’apparition d’une nouvelle maladie animale pourrait résulter d’une action intentionnelle visant à perturber la sécurité alimentaire et la stabilité économique ? Et comment les Services vétérinaires peuvent-ils se préparer à de tels événements, par exemple en développant des réseaux avec les forces de l’ordre et en améliorant leur compréhension des agents pathogènes ? 

Les effets considérables des flambées de maladies animales et la vulnérabilité du secteur 

Les flambées de maladies animales peuvent avoir des effets profonds et étendus : elles peuvent dévaster des industries et des communautés, perturber les échanges commerciaux, compromettre la sécurité alimentaire et même menacer la stabilité économique et politique, tant au niveau national que régional. Cela expose fortement le secteur de la santé animale aux menaces biologiques. 

Parallèlement, la nature des systèmes de production animale et aquacole les rend vulnérables à ces menaces pour de nombreuses raisons complexes et interconnectées. Bien que les systèmes d’élevage diffèrent largement selon les espèces, les types de production et les pays, ils sont presque universellement complexes et interdépendants, ce qui facilite la propagation rapide des maladies et rend leur traçabilité difficile. Les systèmes de production intensive favorisent une transmission rapide au sein des populations, tandis que, dans les systèmes extensifs, la santé des animaux est moins suivie, ce qui permet à des infections de couver sans être détectées. 

La circulation transfrontalière des animaux et des vecteurs de maladies complique encore les efforts de lutte, tout comme les zones où les environnements sauvages et d’élevage se chevauchent (par exemple entre aquaculture et populations aquatiques sauvages). 

En outre, les Services vétérinaires disposent presque toujours de ressources moindres que les services de santé publique. Cela aggrave les difficultés liées à la détection et à la réponse rapides, limite la surveillance continue et fragilise la compréhension fondamentale des agents pathogènes, de leur pathogenèse, de leur transmission et de leur épidémiologie, pourtant cruciale pour une réponse efficace. 

En matière de menaces biologiques, les interactions entre les Services vétérinaires et les services de sécurité ne sont pas systématiquement bien développées, ni les réponses coordonnées aussi pratiquées que celles entre santé publique et forces de l’ordre. Cela peut ralentir et affaiblir les réponses aux flambées dans ces situations. 

Des menaces sous-représentées

 

Même au sein du secteur de la santé animale, la notion de « menace biologique » évoque souvent la libération d’un agent pathogène bien connu comme la fièvre aphteuse, ou la réapparition d’une maladie éradiquée comme la peste bovine. Si ces maladies ont indéniablement un impact considérable, le risque posé par des agents pathogènes moins bien caractérisés – tels que ceux récemment détectés dans la faune sauvage ou les espèces d’élevage – demeure dangereusement négligé. 

Par exemple, l’aquaculture n’est pas spontanément perçue comme un système de production vulnérable aux menaces biologiques, mais elle présente des défis et des risques uniques. L’aquaculture est aujourd’hui le secteur alimentaire connaissant la croissance la plus rapide au monde, avec une consommation élevée de poisson dans certains pays en développement et États insulaires, ce qui en fait une cible potentiellement à fort impact. Comme l’a souligné l’ancienne Directrice générale de l’OIE (OMSA), Monique Éloit, dans la Stratégie de santé des animaux aquatiques 2021-2025, les Services vétérinaires sont souvent confrontés à des événements sanitaires dans les systèmes aquacoles pour lesquels les connaissances sont limitées, les outils de diagnostic rudimentaires et les mécanismes de contrôle inexistants. 

Bien que des progrès aient été réalisés grâce aux efforts nationaux, régionaux et internationaux, des lacunes subsistent. Par exemple, si nous détectons un agent pathogène par séquençage génomique complet, comment savoir s’il est endémique, émergent régionalement ou synthétique si nous ne disposons pas de séquences de comparaison, faute de surveillance ? Ou si nous observons de nouveaux signes cliniques chez une espèce récemment introduite en production intensive, comment déterminer s’ils résultent d’une pression de production accrue ou d’un acte intentionnel ? Et avec une connaissance limitée de la pathogenèse et des interactions hôte/agent pathogène, comment développer des stratégies de prévention réellement efficaces ? 

Ce qui est fait – et ce qu’il reste à faire

 

À l’échelle mondiale, des efforts sont en cours pour améliorer la préparation du secteur animal face aux menaces biologiques, qu’elles soient naturelles ou intentionnelles. Le Processus PVS (Performance des Services vétérinaires) de l’OMSA, en place depuis longtemps, identifie les lacunes dans les Services vétérinaires et de santé des animaux aquatiques, aidant ainsi les autorités à plaider pour un soutien futur. Plus de 140 pays ont déjà complété ce processus, qui permet également de repérer des opportunités d’améliorer la coopération avec d’autres secteurs afin de renforcer la préparation et la réponse face aux menaces biologiques, naturelles ou intentionnelles. 

Par ailleurs, les partenariats entre santé animale, sécurité et forces de l’ordre se renforcent au niveau international, par exemple à travers les activités coordonnées de l’OMSA, de la FAO et d’Interpol. De même, les engagements nationaux des parties à la Convention sur l’interdiction des armes biologiques (CIAB) en matière de non-prolifération biologique (et chimique) continuent d’être consolidés grâce à des mécanismes de coopération internationale, tels que le Groupe d’Australie. 

Cependant, beaucoup reste à faire. 

De nouvelles innovations émergent pour soutenir la surveillance à distance, telles que le suivi environnemental ou les technologies d’échantillonnage à distance. Leur adoption accrue pourrait améliorer la surveillance des maladies et réduire le temps de diagnostic, avec un impact positif sur les réponses aux événements naturels comme intentionnels, au-delà des frontières. 

S’agissant particulièrement des menaces sous-représentées et peu connues, davantage de recherche fondamentale et appliquée ainsi que de surveillance sont indispensables pour mieux comprendre notre « situation de référence » en matière d’agents pathogènes naturels. Cela permettra de disposer d’outils de diagnostic et de bases de données de surveillance permettant d’évaluer rapidement la nature des menaces, et de définir de meilleures stratégies de lutte et d’atténuation pour toutes les maladies animales – terrestres comme aquatiques. 

Dans le contexte des menaces biologiques émergentes, l’adage « le savoir, c’est le pouvoir » est plus vrai que jamais. Seule une compréhension approfondie – grâce à une surveillance robuste, à la recherche et au partage d’informations – permettra de donner aux professionnels de la santé animale et aux décideurs les moyens de détecter les menaces précocement, d’y répondre efficacement et, en définitive, de protéger à la fois les vies et les moyens de subsistance.

La Conférence mondiale sur la réduction des menaces biologiques se tiendra à Genève du 28 au 30 octobre 2025. Elle constituera une occasion précieuse pour les acteurs de la sécurité, de la santé animale et de la santé publique de se réunir afin d’examiner les dernières stratégies, innovations et défis dans la lutte contre les menaces biologiques pesant sur nos écosystèmes interconnectés. La conférence favorisera la coopération intersectorielle et explorera un large éventail de sujets connexes, y compris les défis posés par les menaces potentielles sous-représentées et moins connues. 

The Animal Echo vise à promouvoir la compréhension individuelle et collective de la santé et du bien-être des animaux. Nous vous présentons des idées et des opinions d’experts en matière de santé et de bien-être des animaux dans le monde entier. Les opinions exprimées dans The Animal Echo sont celles de(s) auteur(s) et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’OMSA.

Continue reading

09/03/2025

5 min read

Texte intelligent, systèmes plus performants : grands modèles linguistiques pour la Performance des Services vétérinaires

Jennifer Lasley

09/03/2025

5 min read

Transformer les systèmes mondiaux d’information sur la santé animale : vers des notifications fiables et assistées par l’IA

Natalja Lambergeon

fish die-offs in Lake Ontario 2025_fish in water

08/26/2025

5 min read

« Récoltes inattendues » : Ce que les mortalités massives de poissons au printemps 2025 révèlent sur l’équilibre des écosystèmes

H.C. Kean

Découvrez d’autres thèmes

Biosécurité

Collaboration

Genre

Intelligence Artificielle

Santé animale

Santé de la faune sauvage

Vétérinaires