Diversifier le vivier d’experts en performance des Services vétérinaires de l’OMSA
Les femmes font partie intégrante du secteur de l’élevage et de la production animale dans le monde entier. Elles sont souvent les premières à s’occuper du bétail et contribuent de manière significative à l’économie des ménages. Dans des régions comme l’Afrique et l’Asie, les femmes sont souvent plus nombreuses que les hommes dans ce secteur, où elles assument des tâches telles que l’alimentation, la traite et les soins généraux aux animaux ; en Inde, les femmes représentent environ 75 % de la main-d’œuvre dans le secteur de l’élevage [1]. Malgré leur implication substantielle, la contribution des femmes est souvent méconnue et leur accès aux services vétérinaires, aux ressources et à la formation reste limité.
Au niveau mondial, les femmes jouent également un rôle de plus en plus important en médecine vétérinaire et leur présence dans ce domaine s’est accrue ces dernières années. Toutefois, leur représentation varie d’un pays à l’autre. Au Royaume-Uni, les femmes représentent 57 % de tous les chirurgiens vétérinaires agréés et 96,8 % des infirmières vétérinaires [2]. En Nouvelle-Zélande, les femmes représentent environ 63,7 % de la main-d’œuvre vétérinaire, et une proportion importante de femmes vétérinaires sont âgées de moins de 40 ans [3]. En Asie du Sud-Est, les femmes représentent 70 à 80 % des effectifs inscrits dans les études vétérinaires dans la plupart des pays [4]. Toutefois, des préjugés systémiques persistent, notamment un écart de rémunération entre hommes et femmes et une sous-représentation dans les postes de direction, comme on peut le constater aux États-Unis d’Amérique et au Royaume-Uni [2,5]. Des études ont montré que les femmes vétérinaires gagnent moins que leurs homologues masculins, les disparités étant plus prononcées parmi les nouveaux diplômés et les personnes les mieux rémunérées [6].
Il est essentiel de s’attaquer à ces disparités pour améliorer l’équilibre entre les sexes et renforcer l’autonomie des femmes dans le secteur de l’élevage et le secteur vétérinaire. Dans le domaine de la médecine vétérinaire, les femmes travaillent en tant que praticiennes, dans la recherche et la formation, et occupent des postes de direction. La participation des femmes à la médecine vétérinaire contribue à la recherche de solutions innovantes et à un meilleur accès à la santé et au bien-être des animaux, étant donné que dans les pays en voie de développement, deux tiers des éleveurs sont des femmes [7], et que la perspective des femmes travaillant dans le secteur de la médecine vétérinaire permet de répondre plus efficacement à leurs besoins négligés ou incompris.
Les femmes qui exercent dans le domaine vétérinaire, qu’elles soient soignantes ou praticiennes, apportent des perspectives et des compétences diverses qui enrichissent la profession, comme cela a été démontré dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques, qui connaissent également des changements démographiques se traduisant par un meilleur accès à la formation pour les femmes et les minorités [7]. Les réseaux et les programmes de mentorat destinés aux femmes œuvrant en médecine vétérinaire peuvent favoriser l’échange de ces connaissances et de cette expérience.
Le Processus PVS de l’OMSA : un programme inclusif ?
Le Processus d’évaluation de la performance des Services vétérinaires (PVS) est un mécanisme indépendant et approfondi de suivi de la performance des Services vétérinaires(a), développé par l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA), qui identifie les forces et les faiblesses des Services vétérinaires et recommande des solutions spécifiques à chaque pays pour procéder à des améliorations et des investissements durables. Les experts sélectionnés dans ce cadre, expérimentés et indépendants, fournissent des recommandations aux Membres(b) de l’OMSA sous la forme de rapports d’évaluation PVS.
Compte tenu du rôle crucial des femmes dans le secteur de l’élevage, le Processus PVS devient plus inclusif en intégrant des informations ventilées par sexe au cours des missions PVS, ce qui permet de mettre en évidence les domaines dans lesquels les Services vétérinaires peuvent être renforcés par une approche genrée. Par exemple, en impliquant les femmes dans les rôles de direction et de prise de décision, ainsi que dans le travail sur le terrain, les Services vétérinaires peuvent parvenir à plus d’équité et plus d’efficacité. De même, il est important que l’OMSA s’efforce d’atteindre un équilibre entre les sexes au sein de son réseau d’expertise de haut niveau, et en particulier dans le cadre du Processus PVS : la diversité des perspectives et des compétences au sein du vivier d’experts de l’OMSA permettra ainsi d’obtenir des résultats qui reflètent mieux les divers besoins des Membres de l’OMSA et de leurs Services vétérinaires.
Experts PVS : le rapport femmes-hommes au fil du temps
L’OMSA a effectué une analyse du genre parmi les experts du Processus PVS de 2006 à 2023.
PVS : Performance des Services vétérinaires ; W : femmes ; M : hommes.
Figure 1. Nombre total d’experts PVS formés, affectés à des missions PVS, 2006-2023
Au cours de la première année de mise en œuvre du Processus PVS, neuf hommes (et aucune femme) ont été retenus en tant qu’experts pour effectuer des missions d’évaluation PVS. Les tendances observées dépendent de la demande de missions PVS et montrent un pic d’activités PVS, et donc de nomination d’experts PVS (Figure 1) pour ces activités, entre 2006 et 2011. Lorsque la demande d’évaluations PVS a été saturée au cours des premières années du programme, la demande de suivi des performances et d’engagement s’est poursuivie. Cependant, cette demande a chuté pendant la pandémie de COVID en 2020 et 2021, et le nombre d’experts désignés a donc atteint un niveau historiquement bas.
Une augmentation constante du nombre d’expertes PVS a été observée à partir de 2006 jusqu’à atteindre un pic en 2016, passant de 0 % à 43 % des experts PVS affectés à des missions. Ce pourcentage a diminué au cours des sept années suivantes (entre 25 % et 33 %) et a rebondi en 2022 pour atteindre un nouveau sommet en 2023, où, une fois encore, 43 % des experts PVS affectés à des missions étaient des femmes. Bien qu’au fil des ans il y ait eu une augmentation notable et soutenue du nombre d’expertes PVS affectées à des activités PVS, en raison de l’inclusion de femmes dans les formations PVS par l’OMSA, les experts PVS continuent d’être plus nombreux que les expertes.
Un aperçu mondial des équipes d’experts PVS : 2006 à 2023
La Figure 2 montre la répartition des experts PVS par sexe et par région où se déroule la mission. Dans les missions effectuées en Asie et dans le Pacifique, 92 % des experts PVS étaient des hommes et seulement 8 % des femmes. En Afrique, 88 % des experts PVS étaient des hommes. Tous les experts PVS affectés à des missions dans la région du Moyen Orient étaient des hommes. En Europe et dans les Amériques, respectivement 79 % et 77 % des experts PVS affectés à des missions étaient des hommes.
Figure 2. Experts PVS ayant effectué au moins une mission PVS, par région et par sexe (2006-2023)
Depuis 2023, l’OMSA s’est efforcée de faciliter la participation des femmes aux équipes d’experts en tenant compte des obstacles qui empêchent ces dernières d’être acceptées, tels que la garde des enfants et les préjugés sexistes sur le terrain. Cependant, cette analyse montre que la disparité entre les sexes dans le vivier d’experts PVS persiste.
Constituer un vivier d’experts : une approche au-delà du genre
Le sexe n’est toutefois pas le seul critère à prendre en compte, car l’intersectionnalité est essentielle pour garantir un vivier d’experts diversifié et une expertise bien équilibrée. Le vivier d’experts PVS a besoin de perspectives et de points de vue divers, de sorte que d’autres critères tels que la langue, l’expertise dans le domaine concerné, la région d’origine, l’âge et l’expérience sont des considérations essentielles pour assurer la durabilité du Processus PVS.
Pour y parvenir, l’OMSA développe un système de gestion des experts pour le Processus PVS. Ce système de gestion des experts permettra : i) de lancer des appels ouverts aux experts et à l’expertise pour intégrer et renouveler le vivier d’experts PVS, ii) d’identifier un grand nombre de candidats à la formation aux méthodologies PVS sur la base des compétences et des aptitudes, iii) de vérifier le maintien des compétences au fil du temps et iv) d’adapter plus précisément et plus efficacement les experts PVS aux besoins et aux activités. Ces mécanismes sont destinés à garantir la transparence et l’équité pour de nombreux critères et domaines prioritaires, évitant ainsi les filtrages(c) (ou gatekeeping en anglais) basées sur des critères subjectifs et augmentant l’accès aux opportunités d’exercer et d’acquérir une expérience et une expertise internationales dans le domaine vétérinaire pour les femmes et autres minorités.
Une étude de genre : quels enseignements pour l’OMSA ?
En 2023, l’OMSA a mené une étude relative aux questions de genre dans les Services vétérinaires dans le cadre du Processus PVS ( «WOAH’s PVS Pathway: taking sustainable account of gender issues in the Veterinary Services »), conformément aux principes de diversité, d’égalité et d’inclusion du septième Plan stratégique de l’Organisation [8].
Les objectifs spécifiques de l’étude consistaient à analyser la mesure dans laquelle le genre est pris en compte dans le Processus PVS d’un point de vue méthodologique et à proposer des recommandations pour les méthodologies et les lignes directrices du Processus PVS afin de promouvoir une plus grande équité dans sa mise en œuvre.
Les recommandations de l’étude couvrent différents niveaux d’intervention. Premièrement, l’étude suggère que les organes de gestion et de gouvernance de l’OMSA prennent des initiatives fortes en matière d’intégration de la dimension de genre. Deuxièmement, l’étude recommande que le Service du Renforcement des capacités de l’OMSA, responsable du Processus PVS, se concentre sur trois aspects clés : améliorer les compétences des experts PVS et du personnel de l’OMSA sur les questions de genre, continuer à promouvoir un vivier diversifié d’experts PVS et adapter les outils et les manuels du Processus PVS. Enfin, l’étude suggère que les Membres et les Délégués de l’OMSA, ainsi que les Services vétérinaires renforcent les capacités de leur personnel national à prendre en compte et intégrer les questions de genre dans leurs activités et leurs politiques.
Genre, OMSA et PVS : quelle suite ?
L’OMSA travaille actuellement à l’application des recommandations au Processus PVS en révisant les manuels et les lignes directrices destinés aux experts lors de la conduite des missions et commencera à piloter l’inclusion des questions de genre dans ses méthodologies et ses activités lors des missions d’évaluation PVS en 2025.
La promotion et l’amélioration de l’engagement des femmes dans les activités PVS apporteront davantage de diversité, d’expertise et d’efficacité dans la mise en œuvre des initiatives PVS à long terme.
Glossaire
(a) Selon la définition fournie par le Code sanitaire pour les animaux terrestres de l’OMSA (Code terrestre), « Services vétérinaires » désigne la combinaison de personnes et d’organismes gouvernementaux ou non gouvernementaux qui accomplissent des activités visant à mettre en œuvre les normes du Code terrestre [9].
(b) L’Assemblée mondiale des 183 Délégués est l’organe suprême de l’OMSA ; elle est composée des Délégués des 183 Membres et se réunit au moins une fois par an [10,11].
(c) Cette pratique de filtrage consiste à contrôler l’accès à l’information, aux niveaux d’études avancés, aux sections élitaires de la société, etc. C’est aussi la pratique qui consiste à essayer de contrôler quels sont ceux qui obtiennent des ressources, du pouvoir ou des opportunités particulières et ceux qui n’en obtiennent pas.
Références
[1] Sah U, Joshi K, Dubey SK. Agriculture, Livestock Production and Aquaculture. Cham (Suisse) : Springer ; 2022. Gender Issues in Farming: Challenging Socially Embedded Positions in Agrarian Context ; p. 77-98. https://doi.org/10.1007/978-3-030-93258-9_5
[2] Improve Veterinary Education. The role of women veterinarians in shaping the future of the profession. Swindon (Royaume-Uni) : Improve International ; 2024. Disponible à l’adresse : https://www.veterinary-practice.com/article/the-role-of-women-veterinarians-in-shaping-the-future-of-the-profession (consulté le 6 janvier 2025).
[3] Veterinary Council of New Zealand. New Zealand Veterinary Workforce Report (2022-23). Wellington : Veterinary Council of New Zealand ; 2024. 30 p. Disponible à l’adresse : https://www.vetcouncil.org.nz/common/Uploaded%20files/Web/Publications/Workforce%20Analysis/New%20Zealand%20Veterinary%20Workforce%20Report%202022-23.pdf (consulté le 6 janvier 2025).
[4] Kochkina O. Gender Assessment of Veterinary Services in South-East Asia. Paris (France) : Organisation mondiale de la santé animale ; 2023. 46 p. Publié avec le soutien du ministère australien des affaires étrangères et du commerce, Australie. Disponible à l’adresse : https://rr-asia.woah.org/app/uploads/2023/07/woah-gender-assessment-report.pdf (consulté le 6 janvier 2025).
[5] Hopkins C. The state of women in vet med—according to the data. Lakewood (États-Unis d’Amérique) : American Animal Hospital Association ; 2024. Disponible à l’adresse : https://www.aaha.org/newstat/publications/charts-the-state-of-women-in-vet-med (consulté le 6 janvier 2025).
[6] Wuest P. Assessing the Gender Pay Gap in Veterinary Medicine. Today’s Vet. 2021:11(5);10-16. Disponible à l’adresse : https://todaysveterinarypractice.com/diversity-equity-inclusion/assessing-the-gender-pay-gap-in-veterinary-medicine (consulté le 6 janvier 2025).
[7] Tarawali S. Why women are essential in livestock development—and why livestock are essential in women’s lives. International Livestock Research Institute ; 2022. Disponible à l’adresse : https://www.ilri.org/knowledge/stories/why-women-are-essential-livestock-development-and-why-livestock-are-essential (consulté le 6 janvier 2024).
[8] Organisation mondiale de la santé animale. Septième Plan stratégique de l’OIE. Organisation mondiale de la santé animale ; 2021. Disponible à l’adresse : https://bulletin.woah.org/?officiel=09-6-2-2021-1_7th-strategic-plan&lang=fr (consulté le 8 janvier 2025).
[9] Organisation mondiale de la santé animale. Code sanitaire pour les animaux terrestres. Organisation mondiale de la santé animale ; 2024. Disponible à l’adresse : https://www.woah.org/fr/ce-que-nous-faisons/normes/codes-et-manuels/acces-en-ligne-au-code-terrestre/ (consulté le 14 janvier 2025).
[10] Organisation mondiale de la santé animale. Assemblée mondiale. Organisation mondiale de la santé animale ; 2025. Disponible à l’adresse : https://www.woah.org/fr/qui-nous-sommes/structure/assemblee-mondiale/ (consulté le 16 janvier 2025).
[11] Organisation mondiale de la santé animale. Membres. Organisation mondiale de la santé animale ; 2025. Disponible à l’adresse : https://www.woah.org/fr/qui-nous-sommes/membres/ (consulté le 16 janvier 2025).
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