Suite à son discours percutant lors de la 26e Conférence de la Commission régionale de l’OMSA pour l’Afrique (RC26), j’ai eu le privilège de m’entretenir avec le Dr Columba Teru Vakuru, vétérinaire en chef (CVO) / délégué de l’OMSA pour le Nigeria et président de la Communauté régionale des vétérinaires de la CEDEAO.
Son discours a eu une forte résonance dans l’auditoire, en particulier sa déclaration selon laquelle « le succès durable n’est pas le fruit du hasard ». Il a appelé à des actions clairement orientées vers des résultats mesurables, en se concentrant sur l’engagement du secteur privé dans une approche inclusive, efficace et orientée vers le marché pour renforcer les Services vétérinaires à travers l’Afrique.
Vous avez insisté sur la nécessité de préparer la main-d’œuvre vétérinaire aux défis actuels et futurs. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
Dr Vakuru : Absolument. La réalité est que le personnel vétérinaire du continent est actuellement surchargé, en particulier dans les zones rurales où le fardeau des maladies est plus lourd mais où les services sont soit minimes, soit inexistants. Si nous voulons protéger la santé animale et la santé publique, et renforcer la chaîne de valeur et l’économie de l’élevage, nous devons investir dans la formation continue axée sur les besoins. Il ne s’agit pas seulement des besoins d’aujourd’hui : nous devons anticiper les risques futurs, qu’il s’agisse des maladies émergentes, des effets du changement climatique ou des normes sanitaires liées au commerce, ainsi que des facteurs perturbateurs tels que les catastrophes naturelles, l’insécurité et les conflits. Notre main-d’œuvre doit être dotée des compétences nécessaires pour répondre et relever ces défis en temps opportun.
Vous avez également beaucoup parlé des partenariats public-privé (PPP). Pourquoi les considérez-vous comme essentiels pour les Services vétérinaires ?
Dr Vakuru : Compte tenu du risque que représente la diminution des ressources, il est évident que le secteur public ne peut à lui seul fournir efficacement tous les services vétérinaires, qui sont des services sociaux essentiels. Le secteur privé joue déjà un rôle considérable, qu’il s’agisse des prestataires privés de services de santé animale au service des éleveurs ou des sociétés pharmaceutiques produisant des vaccins et d’autres médicaments vétérinaires. La clé réside dans une collaboration structurée dans une optique gagnant-gagnant. Si nous intégrons des vétérinaires privés dans les systèmes nationaux de surveillance des maladies et de réaction, par exemple, nous améliorons la détection précoce, la réaction et le contrôle des épidémies.
De même, en travaillant avec des entreprises privées, nous pouvons améliorer la disponibilité, l’accessibilité et le caractère abordable des vaccins et des médicaments vétérinaires authentiques, ainsi que la distribution et la facilitation d’une couverture plus large, en particulier dans les zones rurales. Lorsque les acteurs publics et privés travaillent ensemble, nous parvenons à une meilleure prestation de services, à un meilleur contrôle des maladies et à un secteur de l’élevage plus résilient, tout en maximisant l’utilisation efficace des ressources.
Vous avez établi un lien entre des services vétérinaires solides et le commerce, en particulier avec la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA). Quel rôle voyez-vous pour les services vétérinaires dans la stimulation du commerce ?
Dr Vakuru : Le commerce des animaux et des produits d’origine animale dépend fortement de la solidité des services vétérinaires. Les pays qui ne peuvent pas prouver que leurs produits sont exempts de maladies sont confrontés à des restrictions commerciales sur les marchés régionaux et mondiaux. L’AfCFTA nous donne l’occasion de développer le commerce intra-africain, mais cela ne sera possible que si nous respectons les normes sanitaires et phytosanitaires (SPS) internationales de base.
Si nous investissons dans les infrastructures vétérinaires, la surveillance et l’assurance qualité, nous ouvrons la voie à davantage d’exportations, créons de la richesse et améliorons notre économie. Le secteur privé peut également nous aider dans ce domaine, que ce soit par le biais de services de diagnostic en laboratoire privé pour le dépistage des maladies, d’investissements privés dans des abattoirs de qualité pour l’exportation et de la mise en place de compartiments fondés sur la chaîne de valeur.
Plus nos services vétérinaires seront solides, plus l’Afrique pourra tirer profit du commerce du bétail, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du continent.
Dr Columba Teru Vakuru, vétérinaire en chef (CVO)
–Délégué de l’OMSA pour le Nigeria et président de la Communauté régionale des vétérinaires de la CEDEAO
Vous avez insisté sur le fait que les ressources durables ne viennent pas automatiquement. Comment garantir un investissement continu dans les services vétérinaires ?
Dr Vakuru : Tout d’abord, nous devons faire valoir que les services vétérinaires sont des services sociaux essentiels pour le bien public. Les services vétérinaires contribuent à la sécurité alimentaire, à la croissance économique, à la création de richesses en matière de santé publique, à la sécurité nutritionnelle et à la création d’emplois pour les moyens de subsistance. Si les gouvernements le reconnaissent, ils alloueront davantage de ressources. Deuxièmement, l’engagement du secteur privé implique un partage des responsabilités et des engagements. Lorsque les acteurs privés voient l’intérêt d’investir dans la santé animale – que ce soit par la prestation de services, la production de vaccins ou l’établissement de diagnostics – ils apportent des ressources.
Enfin, les bailleurs de fonds et les partenaires internationaux sont plus enclins à investir s’ils constatent un engagement national fort et des cadres clairs pour des Services vétérinaires durables. C’est pourquoi nous devons aller au-delà des discussions politiques et nous concentrer sur la mise en œuvre d’actions orientées vers les résultats.
En conclusion de notre entretien, Dr Columba Teru Vakuru a réitéré son message clé : »L’Afrique doit être proactive. Nous ne pouvons pas attendre que les ressources viennent à nous ; nous devons créer un environnement propice aux investissements dans les Services vétérinaires ». Ses propos reflètent un sentiment d’urgence. Renforcer les Services vétérinaires, ce n’est pas seulement protéger la santé des animaux, c’est aussi préserver les moyens de subsistance, renforcer le commerce et stimuler la croissance économique.
La voie à suivre est claire :
un plan stratégique harmonisé, un engagement structuré avec le secteur privé, des investissements dans le personnel vétérinaire et des PPP stratégiques pour garantir que les Services vétérinaires africains sont efficaces, durables et prêts pour l’avenir. Il est temps d’agir MAINTENANT.