Résumé
La pose des diagnostics vétérinaires est bien plus qu’un outil de détection des maladies animales : il s’agit d’un moyen d’action essentiel dans le cadre des efforts mondiaux visant à détecter les menaces biologiques, à identifier leur origine et à les endiguer. De plus en plus de maladies se transmettant entre animaux et humains, ce qui suscite des préoccupations croissantes en matière de résistance aux agents antimicrobiens, le diagnostic joue un rôle crucial dans la protection de la santé animale et humaine. Des investissements stratégiques dans le diagnostic vétérinaire peuvent permettre la détection précoce des maladies animales, la prévention des foyers zoonotiques, la réduction de l’utilisation abusive des antibiotiques, l’amélioration de la sécurité sanitaire des aliments et le renforcement de la sécurité sanitaire mondiale grâce à une action intersectorielle coordonnée. La mise en œuvre efficace de l’approche « Une seule santé » est capitale. Cet article exhorte les décideurs et les parties prenantes à reconnaître le diagnostic vétérinaire comme un investissement avisé pour la sécurité sanitaire mondiale. Il souligne également le rôle joué par l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA) dans l’établissement des normes internationales, l’amélioration des dispositifs de surveillance de la santé animale et le renforcement de la confiance dans les systèmes vétérinaires nationaux en vue de lutter contre les menaces biologiques tant naturelles qu’intentionnelles.
Imaginez un éleveur repérant quelques poulets malades. Au début, cela ne se voit pas vraiment, mais au bout de quelques jours, d’autres animaux tombent malades. La maladie passe à travers les clôtures et franchit un à un les obstacles : elle est véhiculée par les oiseaux, les animaux commercialisés, voire par le matériel contaminé. Bientôt, le même agent pathogène atteint les humains. Ce qui a commencé dans une seule exploitation, une forêt ou sur un marché se propage par-delà les frontières pour perturber des économies entières. Aurait-on pu enrayer ce phénomène plus rapidement ? Très probablement. Un simple test de diagnostic, disponible dans l’exploitation ou à la clinique vétérinaire, aurait permis de signaler la maladie avant qu’elle ne se propage. Grâce à la détection précoce, des mesures de quarantaine auraient pu être prises pour juguler le foyer, ce qui aurait protégé des vies et des moyens de subsistance tout en évitant des milliards de pertes économiques. Voilà où réside le pouvoir du diagnostic vétérinaire. Cet outil constitue le système d’alerte précoce le plus efficace au monde en détectant les maladies chez les animaux avant leur propagation aux humains ou au-delà des frontières [1]. Pourtant, dans de nombreux pays, les diagnostics demeurent négligés, sous-financés ou hors de portée. L’investissement dans ce domaine permettrait non seulement de sauver des vies humaines, mais aussi de protéger les animaux et l’environnement.
La valeur du diagnostic vétérinaire est démontrée dans de multiples domaines de la santé mondiale. La rage, par exemple, continue à entraîner plus de 59 000 décès humains chaque année, majoritairement chez les enfants. Si la maladie peut être totalement évitée grâce à la vaccination, l’efficacité de la lutte dépend de l’identification précoce des animaux infectés, tels que les chiens ou les animaux sauvages, et la limitation de sa propagation repose sur des programmes de vaccination ciblés [2]. De même, la transmission de l’influenza aviaire (H5N1) des oiseaux au bétail souligne l’importance de la surveillance active et des essais reposant sur l’amplification en chaîne par polymérase (PCR), sans lesquels la détection interviendrait trop tard pour empêcher des conséquences à grande échelle [3]. Les maladies d’origine alimentaire comme la salmonellose et la campylobactériose, qui entraînent tous les ans des millions de cas de maladies et plus de 100 000 décès, illustrent également le rôle du diagnostic vétérinaire dans la protection de la santé publique [4]. La réalisation d’analyses appropriées dans les élevages empêche les produits animaux contaminés d’entrer dans la chaîne alimentaire.
La résistance aux antimicrobiens (RAM) ajoute une autre dimension à ce défi. Des données en provenance d’Égypte, du Nigeria et d’Afrique du Sud mettent en évidence l’emploi généralisé des antibiotiques chez les volailles et les poissons, souvent sans confirmation préalable du diagnostic, ce qui entraîne l’apparition de souches bactériennes résistantes [5]. Élargir l’accès aux cultures bactériennes et aux analyses de la sensibilité aiderait les vétérinaires à réduire l’usage des antibiotiques pour ralentir la RAM. Cette préoccupation a également été reconnue au plus haut niveau politique. Dans la Déclaration politique des Nations unies (ONU) de 2024 sur la résistance aux agents antimicrobiens, les États membres de l’ONU se sont engagés à « investir dans des systèmes de santé animale pour favoriser un accès équitable aux services vétérinaires essentiels, améliorer la santé animale et les pratiques de bonne gestion pour prévenir les infections, promouvoir la fourniture dans les meilleurs délais de médicaments vétérinaires essentiels, de vaccins et d’outils de diagnostic de qualité et d’un coût abordable, et améliorer la surveillance vétérinaire de l’utilisation des antimicrobiens chez les animaux au niveau national » [6]. Cet engagement mondial souligne l’urgence de donner la priorité au diagnostic vétérinaire en tant qu’outil essentiel pour orienter l’utilisation responsable des antimicrobiens et ralentir la progression de la résistance.
Ces exemples montrent que les diagnostics vétérinaires ne sont pas juste des outils techniques, mais des solutions qui sauvent des vies et permettent de prendre des décisions plus intelligentes en matière de traitement, de vaccination et de lutte contre les maladies à l’échelle mondiale. Qu’il s’agisse d’épreuves sérologiques, microbiologiques ou moléculaires, les outils de diagnostic vétérinaire permettent de détecter et de caractériser les agents infectieux [7]. Ces outils fournissent aux vétérinaires des données probantes pour détecter les maladies à un stade précoce afin de choisir les options de traitement les plus adéquates, ce qui évite de recourir inutilement aux antibiotiques [8]. Ils jouent également un rôle dans la prévention de la transmission des maladies entre les espèces en déterminant la nécessité de faire appel à la vaccination et en réagissant efficacement aux foyers, ce qui limite les pertes économiques. De plus, les outils de diagnostic peuvent aider les pays à se préparer à des menaces biologiques délibérées comme le bioterrorisme [9]. En l’absence de diagnostic précis, des mesures telles que la vaccination et les systèmes de surveillance risquent d’être mal employées. Par exemple, l’utilisation de la mauvaise souche vaccinale au cours d’un foyer de fièvre aphteuse est non seulement synonyme de gaspillage des ressources, mais peut aussi aggraver la propagation de l’infection [10].
La santé des animaux, des humains et de l’environnement dépend des décisions que nous prenons aujourd’hui. Investir dans le diagnostic vétérinaire n’est pas uniquement une mesure technique, mais le fondement d’une lutte efficace contre les maladies.
Les écarts d’accès qui nous rendent vulnérables
Même là où les outils de diagnostic sont disponibles, l’accès à ceux-ci reste inégal de par le monde. Dans un grand nombre de pays, les diagnostics vétérinaires de haute qualité sont hors de portée, ce qui fragilise les systèmes de santé animale, humaine et environnementale. De multiples facteurs contribuent à cet écart. Le coût élevé des kits de diagnostic constitue un obstacle considérable, aggravé par le manque de personnel qualifié pour prélever les échantillons et réaliser les analyses. Les faiblesses de la surveillance réglementaire et un contrôle de la qualité insuffisant amoindrissent encore la confiance dans les résultats. Par ailleurs, l’absence de normes internationales harmonisées empêche la reconnaissance mutuelle des résultats diagnostiques par-delà les frontières, ce qui crée un obstacle supplémentaire à la coordination mondiale en matière de lutte contre les maladies.
Les cadres réglementaires qui s’appliquent aux kits de diagnostic varient également considérablement. Si certains pays ont établi des processus d’approbation rigoureux, d’autres manquent totalement de systèmes formels. Cette incohérence oblige les fabricants à se frayer un chemin à travers des règles déroutantes, parmi lesquelles une multiplicité de voies d’approbation et la répétition des épreuves sur différents marchés. Cette fragmentation freine l’innovation et restreint l’accès, en particulier dans les pays en développement [11].
L’harmonisation fait référence à la création de règles communes régissant le développement, la mise à l’essai et l’approbation des outils diagnostiques. Elle garantit que les kits de diagnostic répondent aux normes internationales et que l’on peut s’y fier au-delà des frontières. Cependant, l’atteinte de cet objectif est loin d’être simple. Les efforts d’harmonisation des diagnostics vétérinaires sont entravés par les différences entre les systèmes juridiques des pays et les capacités techniques variables, l’absence de protocoles de validation convenus, le partage limité des données ainsi que la reconnaissance mutuelle et les niveaux inégaux de soutien des autorités nationales. Malgré ces difficultés, les avantages potentiels sont considérables : réduction des coûts, meilleur accès et réponses plus rapides aux foyers de maladies.

La rage est une maladie évitable, mais elle continue à entraîner plus de 59 000 décès humains chaque année, majoritairement chez les enfants.
Le dépistage précoce et la vaccination ciblée des animaux sont essentiels pour limiter la propagation de la maladie.
© ChatGPT
Réduire la fracture diagnostique
Pour relever ces défis, l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA) a pris plusieurs mesures importantes. Elle a élaboré des normes internationales pour les diagnostics vétérinaires dans son Manuel des tests de diagnostic et des vaccins pour les animaux terrestres et son Manuel des tests de diagnostic pour les animaux aquatiques [12]. De plus, elle tient un registre des kits de diagnostic approuvés par l’OMSA : une liste publique des kits de test validés et très performants, actuellement en cours de révision, qui devrait être entièrement mise à jour d’ici 2027 [13]. L’OMSA aide également ses Membres à renforcer leurs laboratoires vétérinaires et leurs systèmes de surveillance, tout en promouvant parallèlement l’harmonisation des réglementations relatives aux diagnostics entre les régions [11].
En complément de ces efforts, l’OMSA s’est associée à Diagnostics for Animals (D4A) en 2024 afin d’améliorer l’accès mondial à des diagnostics vétérinaires de qualité [14]. Dans le cadre de cette initiative, D4A met en place la première base de données mondiale des réglementations en matière de diagnostic vétérinaire, qui comprend actuellement les informations de 121 pays. Cette carte interactive est un outil qui regroupe des données sur les autorités chargées de la réglementation, les catégories de produits, les contraintes juridiques et les efforts d’harmonisation, aidant ainsi les fabricants en matière de conformité et renforçant l’efficacité de la lutte mondiale contre les maladies [15]. En Europe, le comité de normalisation (CEN/TC 469) collabore avec 34 pays pour harmoniser les méthodologies employées pour les épreuves, telles que la méthode immuno-enzymatique (ELISA) ou la méthode PCR, ainsi que l’échange de données [16]. Ensemble, ces initiatives visent à assurer la cohérence et la fiabilité des diagnostics vétérinaires et du commerce international en faisant en sorte que, lorsqu’une maladie apparaît dans un pays, les autres puissent agir rapidement et en faisant pleinement confiance aux outils diagnostiques disponibles.
La santé des animaux, des humains et de l’environnement dépend des décisions que nous prenons aujourd’hui. Investir dans le diagnostic vétérinaire n’est pas uniquement une mesure technique, mais le fondement d’une lutte efficace contre les maladies. Tant les pouvoirs publics que le secteur privé ont un rôle à jouer pour renforcer ce fondement, en plaçant le diagnostic vétérinaire au cœur de la santé animale. Parmi les actions clés, citons le financement et l’équipement des laboratoires de diagnostic vétérinaire, le recours aux Laboratoires de référence de l’OMSA, l’adoption des normes de l’OMSA relatives à la validation des épreuves diagnostiques ou encore l’investissement dans la recherche et le développement d’outils adaptés au terrain à des prix abordables. Il est particulièrement important de garantir l’accès aux diagnostics dans les zones rurales, car cela permet d’orienter la réponse aux foyers et les campagnes de vaccination sur la base de données fiables plutôt que sur des hypothèses.
En plaçant le diagnostic vétérinaire au centre des plans d’action « Une seule santé », les autorités peuvent préserver la santé publique, protéger les systèmes alimentaires, atténuer la propagation de la RAM et améliorer la préparation aux menaces biologiques. En investissant davantage dans le diagnostic vétérinaire, nous pouvons sauvegarder les moyens de subsistance, renforcer les systèmes de santé et bâtir un avenir résilient. Les outils nécessaires existent déjà ; un accès plus large leur permettrait de jouer un rôle décisif pour prévenir la propagation incontrôlée des foyers.
Traduit de l’original en anglais.
Image principale : ©ChatGPT
Références
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[6] Assemblée générale des Nations unies. Déclaration politique issue de la Réunion de haut niveau sur la résistance aux agents antimicrobiens [Internet]. 2024 [consultation le 24 juin 2025]. Disponible en ligne : https://docs.un.org/fr/A/79/L.5 (consulté le 11 septembre 2025).
[7] Vaia [Internet]. [consultation le 20 août 2025]. Veterinary Diagnostics: Methods & Examples. Disponible en ligne : https://www.vaia.com/en-us/explanations/medicine/veterinary-medicine/veterinary-diagnostics/ (consulté le 9 septembre 2025).
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[10] Han JH, Yoo DS, Lee CM. Effect of a Mismatched Vaccine against the Outbreak of a Novel FMD Strain in a Pig Population. Animals. 2 octobre 2023;13(19):3082. https://doi.org/10.3390/ani13193082
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[12] Codes et Manuels [Internet]. Paris (France) : Organisation mondiale de la santé animale [consultation le 20 août 2025]. Disponible en ligne : https://www.woah.org/fr/ce-que-nous-faisons/normes/codes-et-manuels/ (consulté le 9 septembre 2025).
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[14] Santarosalia MC. Meeting with World Organization [sic] for Animal Health (WOAH) – November 13th, 2024 [Internet]. Paris (France) : Diagnostics for Animals. 2024 [consultation le 5 août 2025]. Disponible en ligne : https://diagnosticsforanimals.com/meeting-with-world-organization-for-animal-health-woah-november-13th-2024/ (consulté le 9 septembre 2025).
[15] Diagnostics for Animals (D4A) [Internet]. [consultation le 20 août 2025]. Paris (France) : D4A. Disponible en ligne : https://diagnosticsforanimals.com/ (consulté le 9 septembre 2025).
[16] CEN/CENELEC FGOoC. Focus Group Organ-on-Chip Standardization Roadmap. Bruxelles (Belgique) : CEN/CENELEC ; 2024. Disponible en ligne : https://www.cencenelec.eu/media/publication-july-2024-fg-ooc-roadmap.pdf (consulté le 9 septembre 2025).