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Durée de lecture : 11min

Au Kenya, les femmes sont des leaders dans l’élevage de bétail résistant au climat

Female livestock farmers- Female livestock with cattle

publié le

04/27/2025

écrit par

Daisy Okiring_The Animal Echo

Daisy Okiring

Daisy est une journaliste environnementale dévouée et une défenseuse du climat basée à Nairobi, au Kenya. Elle est rédactrice en chef de LYMA Media et rédactrice de Newsflash Kenya, où elle couvre le changement climatique et la durabilité. Passionnée par la narration et la justice environnementale, elle utilise sa plateforme pour informer le public mondial sur les questions environnementales urgentes.

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Partout au Kenya, des femmes comme Anne Nyaga, Lucy Obungu et Beatrice Nyandat ouvrent la voie à l’élevage de bétail résistant au climat. Anne autonomise les femmes et les jeunes avec des pratiques d’élevage durable, tandis que Lucy intègre l’aquaculture pour renforcer la sécurité alimentaire et la résilience économique. Leurs contributions soulignent le rôle transformateur des femmes dans la structuration de l’agriculture durable. À l’occasion de la Journée internationale des femmes, nous devons nous interroger : comment pouvons-nous renforcer davantage le rôle des femmes dans l’adaptation au climat pour protéger les moyens de subsistance et les écosystèmes pour les générations à venir ? 

Le changement climatique représente l’une des plus grandes menaces pour la sécurité alimentaire mondiale et, au Kenya, ses effets sur la production de bétail sont profonds. Selon le Département météorologique du Kenya, la fréquence et l’intensité des sécheresses ont augmenté de 50 % au cours des deux dernières décennies, affectant gravement les communautés dépendantes de l’élevage. Les données de la National Drought Management Authority (NDMA) montrent que les sécheresses touchent plus de 4 millions de Kenyans chaque année, les femmes et les enfants étant les plus vulnérables. 

Les femmes, qui représentent 34 % de la main-d’œuvre agricole au Kenya, subissent de plein fouet ces défis, car elles sont principalement responsables des soins aux animaux, de la production alimentaire et de la nutrition des ménages. Malgré leur rôle crucial dans le secteur agricole, elles font face à des obstacles systémiques, notamment un accès limité à la terre, au crédit et aux services d’extension agricole. 

Les études montrent que les femmes rurales sont disproportionnellement affectées par les catastrophes climatiques en raison des attentes sociales et des responsabilités, telles que le transport de l’eau sur de longues distances lors des sécheresses, ce qui les expose à des risques environnementaux. De plus, les pertes de bétail pendant les catastrophes liées au climat exacerbent les inégalités de genre, car les femmes dépendent fortement de ces animaux pour leurs revenus et leur subsistance. Mais comment les femmes kenyanes contribuent-elles à l’élevage de bétail résistant au climat ? 

Le rôle des femmes dans l’agriculture kenyane

Les femmes jouent un rôle dominant dans le secteur agricole du Kenya, mais leurs contributions sont souvent négligées. 

 

50

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les femmes fournissent plus de 50 % de la main-d’œuvre agricole en Afrique, mais possèdent moins de 20 % des terres.

80

Les femmes sont responsables de près de 80 % de la production alimentaire dans les zones rurales du Kenya, selon la Banque mondiale, mais elles font face à d’importantes disparités dans l’allocation des ressources.

1

Une enquête de 2021 menée par le Bureau national des statistiques du Kenya (KNBS) a révélé que seulement une femme sur cinq qui possède une ferme a accès à des prêts agricoles, ce qui limite sa capacité à investir dans des stratégies d’adaptation au climat.

Au Kenya, les normes culturelles et les barrières juridiques restreignent l’accès des femmes à la terre, au crédit et à la technologie, limitant ainsi leur productivité et leur résilience face aux chocs climatiques. 

En raison des restrictions de propriété foncière, de nombreuses femmes sont contraintes de travailler sur des terres familiales ou communautaires sans sécurité de tenure, ce qui limite leur capacité à mettre en œuvre des pratiques agricoles durables à long terme. 

De plus, les institutions financières exigent souvent des titres de propriété comme garantie, ce qui exclut de manière disproportionnée les femmes de l’accès aux prêts nécessaires pour investir dans des technologies agricoles résilientes au climat, telles que des systèmes d’irrigation améliorés et des cultures fourragères résistantes à la sécheresse. 

Les femmes rurales sont particulièrement vulnérables aux catastrophes climatiques en raison de leur rôle dans la gestion des ménages et des fermes. Traditionnellement, elles sont chargées d’identifier les sources et de fournir de l’eau à leurs familles, en s’aventurant dans les paysages semi-arides du pays. Lors des sécheresses, elles parcourent de longues distances pour aller chercher de l’eau à la fois pour la consommation domestique et pour le bétail, ce qui augmente leur exposition aux risques sanitaires. La rareté de l’eau oblige également les femmes à passer plus de temps à prendre soin des animaux faibles, ce qui affecte leur capacité à participer aux marchés locaux ou à chercher des opportunités de revenus alternatifs. 

En outre, en tant que gardiennes des animaux, les femmes doivent répondre aux épidémies de maladies induites par le climat qui menacent la survie de leurs troupeaux. Sans services vétérinaires adéquats ni ressources financières, les femmes ont du mal à maintenir la santé de leurs troupeaux, ce qui entraîne une insécurité économique accrue. 

Les impacts du changement climatique sur l’élevage

Le secteur de l’élevage du Kenya, qui contribue à environ 12 % du PIB national, est particulièrement vulnérable au changement climatique. Les rapports de la National Drought Management Authority du Kenya indiquent que plus de 1,5 million de têtes de bétail ont péri lors de la sécheresse de 2021-2022, entraînant des pertes économiques dépassant les 60 milliards de KSh. De plus, la FAO estime que 70 % des petits exploitants agricoles, principalement des femmes, ont constaté une baisse de la productivité du bétail en raison de la variabilité climatique. L’impact du changement climatique sur l’élevage comprend la réduction de la disponibilité des pâturages, l’augmentation de la rareté de l’eau et l’augmentation des maladies sensibles au climat, telles que la fièvre de la vallée du Rift et la fièvre de la côte Est.

Les femmes, en tant que principales responsables du soin du bétail, doivent faire face à ces défis avec des ressources limitées. Les politiques gouvernementales, telles que la Stratégie agricole intelligente face au climat du Kenya, visent à résoudre ces problèmes. Les initiatives internationales, telles que celles de l’Institut international de recherche sur le bétail (ILRI) et du Programme de développement agricole de l’Union africaine (CAADP), fournissent des cadres précieux pour renforcer la résilience, mais doivent donner la priorité à des approches sensibles au genre. 

Le rôle des femmes dans l’élevage résilient au climat

Pour s’adapter au changement climatique, les femmes agricultrices adoptent diverses stratégies de renforcement de la résilience. 

  • Beaucoup se tournent vers des races résistantes à la sécheresse et des systèmes de cultures mixtes pour améliorer la sécurité alimentaire, comme le note les rapports de la FAO. 
  • Elles dirigent également des systèmes communautaires d’alerte précoce et des initiatives de gestion des risques, garantissant des réponses rapides aux catastrophes liées au climat. L’adoption de fourrages améliorés, de techniques de conservation de l’eau et de pratiques agricoles intelligentes face au climat est de plus en plus mise en œuvre pour maintenir la production de bétail. 
  • Les coopératives dirigées par des femmes jouent un rôle essentiel dans le partage des connaissances et l’accès aux financements, permettant aux membres de mettre en œuvre des techniques agricoles durables.

L’initiative African Women in Agriculture Research and Development (AWARD) a été déterminante dans la formation et l’équipement des femmes avec les compétences nécessaires pour adopter des méthodes agricoles innovantes. Des organisations telles que l’International Livestock Research Institute (ILRI) soutiennent ces initiatives par la recherche et le plaidoyer politique. 

Plusieurs femmes kenyanes se sont imposées comme des leaders dans les efforts de résilience climatique.

Anne Nyaga, ancienne Secrétaire administrative principale au ministère de l’Agriculture du Kenya, a été une fervente défenseure des jeunes et des femmes dans l’agriculture. Grâce aux clubs 4-K et Young Farmers, elle a permis aux femmes d’adopter des pratiques d’élevage durable et d’accéder à des ressources financières. 

Un autre exemple est celui de Lucy Obungu, une leader du secteur de l’économie bleue et de la pêche du Kenya. Son travail dans la pêche et l’élevage a aidé les femmes à intégrer l’aquaculture dans leurs systèmes agricoles, renforçant la sécurité alimentaire et la résilience économique. 

Une histoire particulièrement inspirante est celle de Beatrice Nyandat, qui a mis en œuvre la Stratégie nationale d’aquaculture du Kenya. Ses efforts ont permis de garantir que la participation des femmes dans la pêche et l’élevage soit reconnue dans les cadres politiques nationaux. 

Ces études de cas illustrent comment les femmes kenyanes dirigent le changement et la résilience dans l’élevage, malgré des défis systémiques. 

Renforcer la participation des femmes dans la préparation aux situations d’urgence
  • Les décideurs politiques, les organisations de développement et les institutions agricoles doivent accroître les investissements dans les agricultrices en offrant un soutien financier, de la formation et des technologies pour améliorer les stratégies d’adaptation au climat.
  • La direction des femmes dans la réponse aux catastrophes doit être activement encouragée en garantissant leur participation à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques.
  • Les campagnes de sensibilisation doivent être renforcées pour éduquer les communautés sur le rôle essentiel des femmes dans la résilience climatique et la préparation aux situations d’urgence. Les bailleurs de fonds internationaux et les ONG, telles que la Banque mondiale et la FAO, devraient privilégier le financement d’initiatives dirigées par des femmes qui traitent de l’adaptation au climat dans l’élevage.
  • Renforcer le rôle des femmes par le soutien politique, l’investissement financier et une plus grande sensibilisation est essentiel pour construire un secteur de l’élevage durable et résilient face au changement climatique.

Les femmes sont indispensables à l’élevage résilient au climat et à la préparation aux situations d’urgence au Kenya. Leur savoir-faire, leur leadership et leurs stratégies adaptatives contribuent de manière significative à la sécurité alimentaire et à la gestion des catastrophes, les rendant centrales pour l’avenir des stratégies de préparation aux situations d’urgence. 

Le chemin à suivre : la collaboration est essentielle

Pour garantir une durabilité à long terme, la collaboration entre les gouvernements, les ONG et le secteur privé est nécessaire pour créer des politiques inclusives qui permettent aux femmes de devenir des actrices clés des efforts de résilience au climat. 

The Animal Echo vise à promouvoir la compréhension individuelle et collective de la santé et du bien-être des animaux. Nous vous apportons des idées et des opinions d’experts du monde entier. Les opinions exprimées dans The Animal Echo sont celles de l’auteur (des auteurs) et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’OMSA.

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